Le French GourMay – une discussion au fil de la Loire avec le chef Bruno Menard

26 Avril 2019


par Aude Camus 
 
Mai arrive à grand pas et avec lui s’annonce le retour du French May (n’oubliez pas de jeter un œil à notre interview de Julien-Loic Garin, si vous voulez en savoir plus sur les coulisses du festival et sur l’édition que s’apprête à démarrer). Et qui dit French May dit aussi aussi French GourMay, le pendant gastronomique de ce festival dédié à la Culture Française (culture avec un grand C donc). Chaque année, une région et son terroir sont mis à l’honneur et cette année c’est vers la Vallée de La Loire que nos papilles vont s’envoler. Bonne nouvelle pour moi, ex-étudiante Nantaise qui garde un souvenir ému du marché Talensac et de ses étalages de produits locaux tous plus attirants les uns que les autres (oui mon obsession pour la bouffe ne remonte pas à hier). 
 
Le voyage s’annonce gourmand et je ne suis pas la seule à le dire. J’ai notamment eu la chance de rencontrer le Chef Bruno Menard, né dans la Vallée de La Loire, ayant vécu au Japon où il a obtenu 3 étoiles Michelin au restaurant L’Osier à Tokyo, vivant aujourd’hui la plupart du temps à Singapour où il dirige sa compagnie de consulting dans la gastronomie et venant régulièrement à Hong Kong où il conseille le restaurant Junon, un chef très attaché à son terroir. Une discussion qui m’a mise l’eau à la bouche. 

 

Le French GourMay – une discussion au fil de la Loire avec le chef Bruno Menard
Bonjour Bruno, merci de me recevoir. Je sais que votre temps à Hong Kong est précieux, vous êtes ici environ 1 semaine par mois en tant que consultant pour le restaurant Junon et êtes sinon la plupart du temps basé à Singapour (depuis 2013, après avoir passé plusieurs années à Tokyo et notamment obtenu 3 étoiles en tant qu’Executive Chef du Restaurant L’Osier). Qu’est-ce qui vous a amené en Asie en premier lieu ? 
L’Asie est mon terrain de jeu depuis 25 ans, c’est un endroit que je connais par cœur. Partir en Asie c’était un rêve. Mon père était un grand chocolatier, il avait notamment une boutique au Japon et faisait des tournées dans ce pays. 
 
Dans ma famille il y a beaucoup de pâtissiers et de chocolatiers, moi c’était la cuisine … mais on reste quand même sur le thème de la gourmandise. 
 
Et j’ai grandi à Tours, en plein cœur de la Vallée de La Loire, Les Châteaux de La Loire, La Vallée des Rois. C’est une région qu’on appelle les jardins de la France. C’est une région luxuriante où on trouve de tout, c’est d’ailleurs pour cela que les rois et reines y avaient élu résidence : vin, fromage, culture de blé, mais, viande, poisson … La Loire est la plus grande rivière de France ce qui permet un éclectisme aussi dans ce terroir. Rien que pour le vin, vous avez les muscadets d’un côté, il y a aussi le Chenin Blanc qui est le roi de la Vallée de la Loire, les vins de Vouvray, les vins de Chinon, les Cabernet Franc … 
 

Vous êtes attaché à ce terroir ?
Oui ! C’est mes origines, mes racines, mes traditions. C’est mes bases. Des produits que j’ai toujours pris plaisir à travailler. 
C’est une région où je retourne tous les ans. C’est là-bas que j’ai commencé ma carrière, notamment avec le Chef Jean Bardet qui est un des plus grands cuisiniers que La Loire ait eus et à qui je rends hommage en Mai avec l’un des plats du menu French GourMay chez Junon. Et puis il y a aussi Charles Barrier (ndlr : Chef 3 Etoiles mort en 2009) qui est pour moi le plus grand. C’est notre Paul Bocuse à nous les Tourangeaux. On l’appelle Le Grand Charles chez nous et j’ai une affection particulière pour lui. Ça a par exemple été le premier chef à faire son propre pain. Joel Robuchon, par exemple, venait prendre conseil auprès de Charles Barrier et c’est comme cela que j’ai commencé à rencontrer Monsieur Robuchon. J’ai ensuite eu la chance de me lier d’amitié avec Joel et ce lien que nous avions en commun c’était la famille Barrier avec laquelle je suis toujours en contact et pour laquelle j’ai une affection particulière. 
 

Et donc les plats que vous avez imaginés pour Le French GourMay cette année rendent hommage à ces deux chefs Jean Bardet et Charles Barrier que vous appelez vous-mêmes des géants ?
Oui parfaitement. 
 

Le French GourMay – une discussion au fil de la Loire avec le chef Bruno Menard
L’hommage à Charles Barrier se fait avec la Géline de Touraine (ndlr : race de poule) aux pâtes fraiches qui était un de ses plats emblématiques. 
Pour l’hommage à Jean Bardet, c’est une fricassée de petits crustacés qui viennent de l’embouchure de La Loire donc de la mer, de l’Atlantique. 
 
Jean Bardet a été dans les années 80 un des maitres de file de ce qu’on appelait La Cuisine Nouvelle. Ces voyages l’ont amené à ajouter de nouvelles saveurs dans sa cuisine comme par exemple le gingembre. Je vous parle des années 90, époque où le gingembre et le citron vert étaient encore des fruits exotiques. Aujourd’hui on en trouve partout mais à l’époque c’était vraiment quelque chose de différent. Et cette originalité mêlée aux produits de La Loire a fait de Jean Bardet quelqu’un de spécial. J’aime beaucoup sa cuisine instantanée, moins basée sur les fondamentaux que la cuisine de Charles Barrier. 
 
Moi finalement, je suis un peu la synthèse de tout cela. 
 

Pour vous, des évènements comme Le French GourMay qui mettent le terroir à l’honneur sont-ils importants ?
Oui. Ils sont même essentiels. Nous sommes un peu les gardiens du temple. « L’important c’est l’essentiel », c’est un mot de Jean Bardet que j’aime beaucoup. Et l’essentiel c’est quoi ? Il faut se rappeler des origines. Parce qu’aujourd’hui, on a la chance de pouvoir beaucoup voyager, cela crée un mix de cultures, et tant mieux d’ailleurs, mais du coup parfois on ne se rappelle plus vraiment quelles sont les origines, les racines. Je pense que c’est important de savoir d’où viennent les produits. Le terroir c’est la richesse de la France. Nous ne sommes pas un gros pays mais nous avons tellement de choses. Et le fait de venir tous les ans avec une nouvelle région, cela permet de mettre à l’honneur toute cette richesse et ce savoir-faire qui va avec. Cela permet de mettre à l’honneur, quelque part, tous les gens qui sont derrière ces produits et qui continuent à faire vivre des traditions. Sans ces gens-là, il n’y a pas de cuisiniers derrière. C’est important de faire comprendre pourquoi la France est la France, pourquoi notre cuisine est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, pourquoi une baguette Française est meilleure que n’importe où dans le monde entier. L’idée c’est de donner aux gens un ticket pour le voyage, de leur donner envie d’aller plus loin et d’aller découvrir directement sur place le terroir Français. 
 

Y-a-t-il des produits de votre région qui vous tiennent particulièrement à cœur ? 
Il y en a plein ! 
Pour moi c’est important que l’on sache qu’en Touraine on a du Sainte-Maure de Touraine (ndlr : fromage de chèvre), on a la Géline dont on parlait toute à l’heure, on a les poissons de Loire, on a des champignons, on a aussi le Pigeon de Racan …
Le terroir c’est un goût particulier unique. Et moi, ce goût c’est mes racines. 
 
Vous savez il y a 3 chefs 3 étoiles de Touraine dans le monde : Charles Barrier, Guillaume Galliot (ndlr : Guillaume est le Chef du restaurant Caprice au Four Seasons de Hong Kong et vous pouvez retrouver son interview ici) et moi-même et je suis très heureux que nous soyons fiers de nos racines. 
 

Je vois que vous avez les 3 étoiles Michelin tatouées sur le bras. Les étoiles Michelin c’est quelque chose que vous avez toujours eu en tête ? 

Le French GourMay – une discussion au fil de la Loire avec le chef Bruno Menard
C’est la raison pour laquelle j’ai mis une veste blanche (ndlr : veste de Chef) un jour. C’était un rêve. Au début je ne savais pas vraiment pourquoi ni ce que ça représentait mais je savais que c’était la reconnaissance ultime dans la voie que j’avais choisie. 
 
Et le jour où le rêve se réalise, il se passe quoi ? C’est quoi la suite ?
C’est un peu comme arriver en haut de la montagne, de la plus haute montagne. 
Ça vous booste aussi, parce que les gens vous regardent différemment. On devient une sorte de trend-setter dans notre profession. Mais c’est du coup une pression énorme. La pression en fait elle commence vraiment quand la troisième étoile arrive. On a un peu la peur de la page blanche, la peur de bloquer, la peur de se répéter. C’est toute la beauté de notre métier, l’évolution. 









 



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