Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage

Petites marques inédites, qualité et prix raisonnables : (re)découvrez le concept qui apporte un peu de vie à l’expérience shopping à Hong Kong

17 Septembre 2025


Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage
Interview par Aude Camus 
 
Cela fait dix ans – bientôt onze – que je vis à Hong Kong. Si cette ville me fait toujours autant vibrer, il y a une chose qui me manque terriblement de ma vie parisienne : le lèche-vitrine. Bien sûr, Hong Kong regorge de magnifiques boutiques de luxe, mais il manque souvent cette chaleur et cette personnalité que j’aimais tant. À Paris, j’habitais rue de Charonne dans le 11ème et j’avais mes habitudes de flâneries de concept-stores en petites boutiques de créateurs. J’adore aussi la rue du Bac dans le 7ème et son chapelet d’adresses inspirantes. Ici, je n’ai jamais vraiment retrouvé cette atmosphère.
 
Il faut croire que je ne suis pas la seule à nourrir cette nostalgie très européenne du shopping, car pour mon plus grand plaisir, le quartier d’Hollywood Road a vu éclore plusieurs concept-stores ces dernières années. Là, une boutique tenue par une Suédoise ; ici, une marque mode et lifestyle lancée par une Française… Et puis, à deux pas du marché de Gage Street, Jean et Antoine ont ouvert 52 Gage, un concept-store qui insuffle un souffle nouveau au retail hongkongais. Sélection pointue de marques françaises et asiatiques inédites en ville, atmosphère chaleureuse et expérience client soignée – leur boutique est vite devenue un lieu où l’on aime flâner, découvrir et se laisser surprendre. Rencontre avec les deux fondateurs.
 

Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage
Qu’est-ce qui vous a amenés à Hong Kong ?
 
Jean : Je suis arrivé grâce à Antoine – on s’était rencontrés à Bordeaux. Lui était déjà installé à Hong Kong depuis un moment. Moi je travaillais dans l’immobilier en France, un secteur compliqué à l’époque (ndlr : COVID), et j’avais envie de changement.
 
Antoine : Je suis arrivé en 2014 depuis Dubaï, où je travaillais chez Dior pour la zone Moyen-Orient. À la base, je venais pour un projet de consulting d’un an… et onze ans plus tard, je suis toujours là !
 
 
Comment est née l’idée de 52 Gage ?
 
Jean : C’est venu assez naturellement, de discussions en discussions. On connaissait plusieurs jeunes marques françaises et on s’est dit : pourquoi ne pas les introduire à Hong Kong ?

Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage
Antoine : Le retail reste fort ici. Contrairement à d’autres marchés, les gens aiment encore beaucoup l’expérience en boutique. On voulait créer un lieu physique, un écrin qui mette en valeur des marques encore inédites en Asie. On s’est lancé post-COVID sur un marché retail assez ravagé il faut le dire … les gens étaient vraiment en recherche de cette expérience et nous on y a vu une opportunité marketing. Celle d’investir dans un écrin – à des frais qui restent quand même moindre qu’en Europe ou même aux Émirats – pour proposer un effet waouh. L'essence de l'endroit, c'est d'apporter de la vie aux marques. 
 
 
 
Toutes les marques que vous proposez sont exclusives à 52 Gage sur Hong Kong ?

Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage
Antoine : Oui, c’est l’ADN du store. La plupart des marques n’étaient pas présentes en Asie avant nous, à part quelques références locales. Même Kamaro’an, une petite marque taïwanaise artisanale, qui n’était pas distribuée à Hong Kong mais est vite devenue l’un de nos best-sellers
 
Ndlr : et on comprend pourquoi ! Des sacs faits à la main à Taiwan, à des prix très raisonnables pour cette qualité – à partir de 1,250 HKD pour un small woven triangle bag dont la forme originale est inspirée des sacs traditionnellement utilisés pour porter le riz sur la côte est de l’île. Je les trouve hyper chics, et j’ai déjà ajouté le modèle noir sur ma wishlist. Les paniers tressés à la main sont également magnifiques. 
 
 
 
Comment sélectionnez-vous vos marques ?
 
Jean : Au début on s’est lancés avec celles qu’on portait nous-mêmes.
 
Antoine : Oui, par exemple je lui ai fait découvrir Les Vilains Parisiens que je porte depuis des années, et Jean m’a présenté Zeta – des baskets véganes et éco-responsables, fabriquées à partir de maïs, café et raisin. Clairement, ces marques n’avaient pas du tout prévu de s’exporter, encore moins à Hong Kong, mais on a réussi à les convaincre.
 
Jean : Aujourd’hui, c’est un mélange. On repère des marques, certaines viennent à nous directement, souvent via Instagram ou en boutique. Nos critères restent les mêmes : qualité, authenticité, prix juste et première présence à Hong Kong (sauf pour les petites marques locales). On pourrait penser que les marques vont direct sauter sur l’opportunité mais en réalité c’est un vrai défi de les convaincre. Pas assez de volume, trop compliqué, on va devoir vous vendre les produits plus cher … Et puis Hong Kong reste associé à la Chine et ça fait peur. 
 
Antoine : Il y a par exemple Maison Guillemette Paris qu’on a lancée en Novembre dernier et qui a un succès fou (ndlr : là encore, je comprends l’engouement !  Un dressing à l’esprit très parisien, des belles pièces de qualité à des prix plus abordables que du Maje ou du Sandro …). C’est une petite marque qui a uniquement deux boutiques à Paris, qui fonctionne très bien mais dont la fondatrice, Guillemette, est débordée et n’avait pas forcément de projets d’expansion à l’international. C’est ma sœur, cliente historique, qui nous a introduit, et à force de persuasion nous travaillons maintenant ensemble. 
 
Jean : Il y a aussi le défi des stocks. Maison Guillemette tout est fait à la main dans des ateliers à Montreuil et quand Guillemette sort une nouvelle collection elle crée beaucoup de modèles mais chacun en toute petite quantité. Il va y avoir par exemple 5 taille S. Toi tu arrives là-dedans, tu passes ta commande et on te dit « bah non ce n’est pas possible, on n’a pas les quantités ». Mais c’est aussi ce qui rend l’expérience 52 Gage unique, chez nous les produits sont pratiquement « made-to-order » donc une fois qu’un modèle est vendu il est vendu, il ne reviendra pas en boutique. 
 
 
 
Pourquoi avoir choisi Gage Street pour votre boutique principale ?

Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage
Antoine : Central était une évidence. On a visité plusieurs lieux et même faillis signer un espace sur Wellington Street, mais cet immeuble sur Gage Street nous a séduits : un walk-up au style presque new-yorkais, rare à Hong Kong. Le propriétaire voulait un projet premium, et l’espace avait un vrai potentiel. On a aussi fait un pari sur le potentiel de la rue qui est en plein développement – aujourd’hui Gage Street c’est le wet market mais la rue est en plein redéveloppement avec une volonté d’en faire un hub shopping d’ici 2 ans. 
 
Et puis, il nous fallait un lieu de passage. Parce que clairement on n’avait pas des mille et des cents à dépenser en communication. 
 
Jean : L’idée, c’était aussi de rendre l’atmosphère accueillante, chaleureuse, pour que les gens n’hésitent pas à entrer.
 
 
Vous avez récemment ouvert un pop-up à Lee Garden donc une atmosphère mall assez éloigné de ce petit cocon que vous avez imaginé sur Gage Street. Pourquoi ce choix ?
 
Antoine : Ce n’était pas prévu, mais Lee Garden nous a approchés. On voulait toucher une clientèle différente, plus “mall”. Le flagship reste Gage Street, mais l’idée du pop-up était d’expérimenter.
 
 
 
Qui sont vos clients aujourd’hui ?
 
Jean : Environ 80–85 % locaux, et le reste ce sont des visiteurs du Mainland et quelques expatriés.
 
Antoine : Xiaohongshu (le “Little Red Book”) nous a beaucoup aidés. Le bouche-à-oreille aussi. On mise sur l’expérience, ça c’est mon domaine : accueillir nos clients avec un sourire, un café ou une coupe de champagne. C’est ça qui fait qu’ils reviennent – et qu’ils amènent leurs amis.
 
 
 
Vous dites souvent que 52 Gage, c’est plus qu’une boutique. Qu’entendez-vous par là ?
 
Antoine : On ne voulait pas investir dans du marketing à outrance. Notre pari, c’est d’offrir une expérience mémorable et des prix justes. Nos clients savent qu’ils paient le même prix qu’en France ou à Taïwan, sans inflation locale.

Conversation avec : Jean Mano et Antoine Vatar, curateurs et fondateurs de 52 Gage
Jean : Et les événements qu’on organise, l’énergie qu’on met dans la communauté, ça joue beaucoup.
 
 
Vous avez aussi récemment lancé un compte Instagram, @frenchbutnotparisian sur lequel vous partagez les coulisses de 52 Gage avec humour. Est-ce important pour vous de montrer votre visage, d’incarner votre marque ? 
 
Antoine : Oui bien sûr. Pour moi on est aujourd’hui dans l’ère du marketing personnel. Les gens veulent connecter avec des personnes, pas seulement avec des marques. L’idée, c’est de montrer les coulisses, de personnifier 52 Gage. On veut être vus comme des curateurs passionnés, pas comme un simple store.
 
 
En parlant de curation justement, avez-vous des marques chouchoutes parmi votre sélection ?
 
Jean : Femer, qui crée des pièces en cuir de poisson. C’est hyper responsable, unique et différent – ça me fait vibrer.
 
Antoine : Pour moi, Les Vilains Parisiens, que je porte depuis dix ans, et Klokers, ma montre fétiche. J’aime l’idée de sortir du digital  – comme beaucoup de monde j’ai porté pendant des années une Apple Watch – pour retrouver un bel objet tangible.


Pour découvrir 52 Gage
Rendez-vous tout simplement au 52 Gage Street, Central
 
 
Mais ce n’est pas tout … 
Jean et Antoine ne sont pas les seuls à vouloir apporter une petite touche de lifestyle à l’européenne à Hong Kong. Découvrez aussi notre interview d’Anna, qui a lancé Vi Galerie  – boutique de décoration en ligne. Et si vous êtes dans le quartier de 52 Gage et cherchez d’autres boutiques à visiter, il y a aussi Parallel 51 sur Hollywood Road qui propose un vestiaire féminin élégant et polyvalent – nous avions interviewé Rebecca, la fondatrice. 






 


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