Les coulisses du French May, discussion avec Julien-Loïc Garin

20 Mars 2019


par Aude Camus
 
Difficile de ne pas penser au French May  quand on parle de la vie culturelle Hongkongaise. En 27 ans, ce festival, qui a pour vocation de promouvoir la culture Française, a grossi, passant d’une durée d’une semaine à presque deux mois pour devenir un événement incontournable du calendrier culturel. 
 
Le thème du French May 2019 ? Voyage. Avant d’embarquer pour ce voyage culturel à travers tous les aspects de la culture Française, de la musique à la danse en passant par la gastronomie ou encore le théâtre, le design et la mode, j’ai voulu en savoir plus sur ce festival unique. Qui mieux que Julien-Loïc Garin, son CEO, pour explorer les coulisses du French May ?
 

Bonjour Julien-Loïc. Merci de me recevoir aujourd’hui. Pour commencer, un peu de contexte sur Le French May. Pouvez-vous me dire quand le festival a été créé, pourquoi il a été créé et comment il a évolué au cours des années ? 
Le French May a été créé il y a maintenant 27 ans, en 1993, et du coup nous n’avons pas complètement la situation initiale. Ce que l’on sait en tout cas c’est que le festival est né à l’idée du Consul Général de France à l’époque, Laurent Aublin, qui a voulu rassembler les différents évènements Français qui avaient lieu un peu tout au long de l’année, un spectacle ici, une exposition là …  En 1993 s’est notamment tenue à Hong Kong une grande exposition Rodin. L’idée, je pense, était notamment de faciliter la communication autour de ses évènements mais aussi la levée de fonds, puisque le festival fonctionne uniquement via du soutien privé. De là est né le French May qui à l’époque durait à peu près une semaine. C’était donc, au début, plutôt un rassemblement d’évènements déjà existants. 
 
Déjà sous le nom Le French May à l’époque ? 
Oui. Cela a été créé en 1993 sous le nom Le French May. 
 
Pourquoi en Mai ?
On me pose toujours la question ! Le calendrier a fait cela, le festival a notamment été créé autour de cette exposition Rodin. Et puis le nom sonnait bien. Dans la langue Anglaise, French May c’est le Printemps. 
 
Un succès dès le début ?
Oui la première édition a bien fonctionné et on a immédiatement senti un intérêt du public et des autorités pour reconduire ce festival. Le French May a ensuite commencé à grossir : 1 semaine puis 2 puis 3 semaines. Jusqu’à devenir aujourd’hui un festival qui dure 2 mois. Un festival qui est vraiment, et c’était le cas dès le départ, pluridisciplinaire. La lecture qu’on en a aujourd’hui c’est que Le French May est un festival qui représente la culture Française. Pas seulement les arts donc, on va y trouver également la gastronomie avec le French GourMay mais aussi du design, de la mode … vraiment tout ce qui fait le cœur de ce que les Français aiment mais toujours dans une idée de partage avec le public Hongkongais. 
 
Y-a-t-il eu un tournant à un moment ou est-ce que le festival a plutôt grossi de façon linéaire au fur et à mesure des années ? 
Le festival a beaucoup grossi pendant ces 20 premières années. Mais la 20èmeédition en 2012 nous a vraiment permis de faire passer le festival au niveau supérieur. Cette édition a notamment accueilli une exposition Picasso qui était d’une envergure inédite pour Le French May : plus de 50 œuvres sculptures et peintures venues du musée Picasso à Paris, au Heritage Museum donc un musée national. Et autour de cette 20èmeédition nous avons aussi eu la venue de Zingaro (ndlr : théâtre équestre) et d’une partie de l’Opéra de Paris. On a donc eu cette année-là un engouement sans précédent, à la fois du public, des partenaires, des institutions … donc finalement une espèce de magie. 
Une édition marquante mais qui a aussi créée un gros challenge. Allait-on être capable de maintenir le festival à un tel niveau ? Je pense que les années qui ont suivi ont montré qu’on s’en était plutôt bien sortis. 
Aujourd’hui Le French May est un festival très fort dans le paysage culturel Hongkongais. Pas seulement un festival Français mais un festival qui fait partie intégrante de la vie culturelle locale. 
 
Aujourd’hui comment cela se passe au niveau des partenaires, de la programmation …  Vous allez les chercher ou ce sont eux qui viennent à vous ?
C’est un système un peu multiple. Nous avons évidemment une équipe chargée de la programmation qui va aller chercher des partenaires en fonction du thème que nous avons défini environ 1 an à l’avance. On définit ce thème en fonction du message qu’on veut porter et des différents projets qu’on a envie de présenter. Il y a des choses que nous allons directement aller chercher en France, par exemple cette année le Paris-Mozart Orchestra parce qu’on aimait leur programme multidisciplinaire et le fait que le chef d’orchestre soit une femme. Mais il y a aussi des choses qui nous sont proposées, parce qu’on connaît certaines compagnies et parce qu’avec le temps nous avons gagné en visibilité. C’est un peu un puzzle de tout ça avec l’idée d’être toujours dans la diversité donc, par exemple, si on a un très beau programme de musique classique on va aller chercher aussi de la musique jazz. Nous voulons montrer que la France c’est une diversité de culture mais aussi toucher des publics variés. 
 
N’avez-vous pas parfois peur de souffrir d’une image élitiste ? 
On essaye d’être le plus possible dans la pédagogie et l’accessibilité. Mais il est vrai que certains programmes, par exemple de musique classique ou d’orchestre renommés, peuvent paraître élitistes. C’est pour ça que nous avons mis en place un gros programme éducatif autour du festival notamment des moments d’échanges à l’issue des spectacles où le public va pouvoir rencontrer les artistes et poser des questions mais aussi un grand nombre de visites guidées des expositions ou encore des booklets pour les enfants. On essaye de rendre la culture Française moins impressionnante. C’est aussi pour cela qu’on introduit du hip-hop, des expositions plus accessibles comme cette année Niki de Saint Phalle et qu’on attache aussi beaucoup d’importance au fait d’aller dans des lieux non culturels (l’hippodrome, les shopping malls comme K11 mais aussi l’espace public).
 
Et vous, depuis combien de temps travaillez-vous pour Le French May et qu’est-ce qui vous a amené là ?
J’ai fait des études dans le domaine culturel donc je me destinais à travailler dans une institution culturelle mais à la base plutôt en France. Et puis, à l’occasion de la 20èmeédition justement, on m’a proposé de venir aider. Je pensais travailler sur ce projet pendant 1 an et puis j’ai eu la chance de finalement travailler sur les 8 éditions qui ont suivi. 
En 8 ans, j’ai vu la scène culturelle Hongkongaise évoluer beaucoup, des musées ouvrir, Art Basel arriver et donc chaque année on se pose aussi la question du role du French May. Au-delà du partage de la culture Française, quelle est la mission du festival ? Que peut-on apporter à la scène culturelle Hongkongaise, au public Hongkongais ? Pour moi c’est cela qui est très intéressant : essayer de faire évoluer les choses dans une pertinence avec le public. 
 
En parlant de faire évoluer les choses, le French May a-t-il vocation à mener des projets culturels de plus long terme, par exemple l’ouverture de l’antenne locale d’un musée Français ? 
Nous avons plutôt un rôle d’initiation. C’est ensuite au Consulat de France d’avoir un rôle de fond notamment sur l’échange entre des institutions. Mais par exemple le travail que nous avons fait avec la Réunion des Musées Nationaux pour mener l’exposition Monet en 2016 a créé un partenariat avec le M+ (ndlr : musée des arts visuels à Kowloon) et la RMN pour un échange de compétences. Je ne vois plus comme un déblayeur si je puis dire. Nous apportons des sujets que nous sommes un peu les seuls à pouvoir traiter comme le pop-art, le hip hop … 
Il y a aussi la question du financement. Nous avons la chance d’avoir des soutiens qui nous font confiance et qui nous permettent d’ouvrir des portes pour qu’ensuite le travail se fasse par les institutions. On travaille évidemment dans la durée. Nous avons au cours des 8 dernières années posé les bases en présentant des grands noms, les maitres pour ensuite apporter des sujets plus modernes comme Niki De Saint Phalle cette année.
 
Le French May fait-il des émules à l’étranger ?
Le French May a beaucoup essaimé de petits-frères et petites-sœurs. C’est un festival qui est là depuis longtemps donc qui sert un peu de pilote. On se rend aussi compte que beaucoup des attachés culturels en Asie ont un moment été à Hong Kong et ont donc ce référent. Aujourd’hui il existe des festivals proches notamment Croisement sur la Chine, Voilà à Singapour, il y a eu aussi autrefois La Fête à Bangkok, donc on se rend compte que ce format festival est assez fort. Mais nous sommes les seuls à fonctionner comme nous le faisons soit en étant complètement indépendants de l’autorité consulaire, même si nous travaillons étroitement avec eux, et en étant producteurs de nos contenus à 100%. Nous devons chercher les contenus, les lieux mais aussi les fonds. Cela impose des contraintes mais cela nous donne aussi une liberté exceptionnelle. 
Après nous travaillons assez étroitement avec les autres consulats et ambassades Français parce qu’il y a des phénomènes de tournée qui sont intéressants pour la région, notamment quand on parle de contenus exposition avec des œuvres fragiles, qu’il est difficile et cher de faire sortir de France donc on essaye d’avoir au moins une ou deux étapes dans la zone Asie pour permettre de maximiser les publics mais aussi les ressources. 
 
La programmation est assez extensive. Moi qui n’ai jamais le temps de participer à tout et ne sais jamais vraiment quoi choisir, quels highlights me recommanderiez-vous cette année ? 
Cela dépend beaucoup des envies et des goûts. Nous essayons vraiment d’avoir une programmation très large. Nous tentons aussi d’avoir beaucoup de choses qui soient abordables en famille comme un très joli programme, cette année, autour du Nouveau Cirque : c’est court, très poétique et divertissant donc parfait pour des publics enfants. On a évidemment l’exposition Niki de Saint Phalle que je recommande parce que c’est une centaine d’œuvres (très rare d’avoir autant d’œuvres de l’artiste), en extérieur et intérieur. Mais l’exposition Willy Ronis sur la photographie sera également très belle. Nous avons aussi des programmations pour les amoureux de musique classique. C’est vraiment difficile de choisir une chose en particulier. Nous avons une palette pour tous les goûts, tous les âges et tous les degrés de connaissance de la culture. 
Il y a aussi beaucoup de choses qui sont organisées par nos partenaires locaux comme les galeries d’art. ce sont des programmes qui durent sur plusieurs jours voir sur la totalité du festival et laisse donc plus de flexibilité. 
 
Sur toutes les éditions que vous avez faites depuis 2012, y-en-t-il une qui vous tiens particulièrement à cœur ? 
L’édition 2012 qui était pour moi la première était évidemment assez magique. C’était tout nouveau pour moi et il y a eu un grand enthousiasme autour de cette édition et l’exposition Picasso a été un succès phénoménal avec 350 000 visiteurs. Cela reste un peu mon édition de cœur.
Je pense que l’édition 2017, pour les 25 ans, avec la présence du Louvre et de l’orchestre philharmonique de radio France était aussi une très très belle édition. Majestueuse même. 


 

 

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